Un chant en forme de témoignage (Fricourt)

Les paroles de cette chanson ont été écrites durant la guerre par un soldat resté anonyme. Si on se réfère à celles du 1er couplet, il aurait pu appartenir à un régiment de cavalerie…mais ce n’est qu’une hypothèse.

On y apprend aussi que son régiment est resté sur place durant plusieurs mois ce qui pourrait permettre de retrouver ce dernier.

Plus qu’un chant, c’est un témoignage sur une portion de vie dans les tranchées face à Fricourt (Somme)

Les Tranchées de Fricourt
(air : Les ponts de Paris)

En avant d’un village
Que l’on nomme Fricourt
Un boyau donn’passage
Aux chasseurs nuit et jour
Près des tranchées
Blottis cachés,
Se trouvent les abris de nos troupes
Des cavaliers,
Les cuisiniers
Tranquillement y font la soupe.

1er Refrain

Aux tranchées de Fricourt
Nous sommes nuit et jour
Depuis des mois, c’est là notre demeure
Les uns y vivent, et les autres y meurent.
Mais qu’importe la mort
Si nous sommes les plus forts,
N’avons-nous pas des cent cinquante cinq courts
Au Château de Bécourt

2ème Refrain

N’avons nous pas des lanceurs de Schrapnells
Aux tranchées d’la Boisselle

3ème Refrain

Ne somm’s-nous pas ravitaillés sans faute
Chaque jour à Méaulte

Ce n’est pas un petit Nice,
Qu’les tranchées à Fricourt,
Ici pas de caprice
De plaisir et d’amour !
De féminin
Nous n’avons rien
A part Rosalie-Baïonnette
Mais aux abris,
Dans notre nid,
Elle repose, la coquette ! (Refrain)

Ce n’est pas par débine
Que je dis en ce jour
Qu’on fait bonne cuisine
Aux tranchées de Fricourt
Riz du Japon
Et saucisson
De l’Australie ou d’Amérique
Quart de tacot
De ça pas trop
Ça pourrait donner la colique ! (Refrain)

Quand finira la guerre
Et que nous reviendrons
Chez nous la mine fière,
Alors nous conterons
A nos parents,
A nos enfants,
Notre campagne et nos victoires
Aussi de leur conter l’histoire !
Notre campagne et nos victoires
Ohé les gars, les gars !
N’oubliez pas
Aussi de leur conter l’histoire (Refrain)

Dernier refrain

Des tranchées de Fricourt
Où pendant bien des jours,
Pendant des nuits, durant la grande lutte
Des Allemands précipitant la chute,
Si vous avez là lutté
C’est pour la liberté !
Souvenez-vous, amis, et pour toujours
Des tranchées de Fricourt

On peut raisonnablement penser que le secteur où se trouvait ce soldat est situé entre les deux flèches. Sur cette carte les tranchées allemandes sont représentées en rouge et les tranchées occupées par les troupes françaises puis britanniques sont en bleu. Pour rappel ce front n’a pas bougé entre sa stabilisation en 1914 et l’offensive du 1er juillet 1916.

(A noter que le secteur du 403e Régiment d’Infanterie commençait sous la flèche du bas. Voir carte ici )


Mes remerciements à Monsieur André Belle, de Fricourt, à qui je dois ces documents.


La Somme – 1er juillet 2009

 

Du Lochnagar Crater à Thiepval en passant par Beaumont-Hamel, la Tour d’Ulster, le bois de Mametz et autres sites de souvenir ; comme chaque année en ce 1er juillet les commémorations se sont succédées dans la Somme. Ce jour marque le début de la grande offensive de la Somme en juillet 1916.

C’est par la cérémonie du Lochnagar Crater que débute cette journée du souvenir.

Le Lochnagar Crater au petit matin en ce 1er juillet 2009

 

A 7h28 un coup de canon rappelle l’explosion, le 1er juillet 1916 et à la même heure, de la mine placée là sous les lignes allemandes et qui provoqua cet immense cratère. Deux minutes plus tard, dans le calme revenu, des coups sifflets résonnent dans les alentours, tel qu’ils ont résonné lorsque les officiers britanniques donnèrent à leurs troupes le signal de sortie des tranchées pour partir l’assaut des tranchées allemandes.

À THIEPVAL


L’imposant mémorial de Thiepval 

A l’image du mémorial, c’est le plus imposant, voire important cérémonial de la journée avec celui de Beaumont-Hamel. Comme ailleurs il y eu les instants de recueillement, de prière, de chants accompagnés par une musique de l’armée britannique et le dépôt des gerbes. Après celles déposées par les personnalités, chacun était libre d’y déposer la sienne ou une petite croix du souvenir ornée d’un coquelicot et le nom du soldat à qui on la dédie.

Sur les murs du mémorial sont inscrits les noms des 73367 disparus Britanniques et Sud-Africains, tués entre juillet 1915 et novembre 1918, et n’ayant pas de sépulture connue. Au-dessus de l’arc de triomphe on peut lire « Aux Armées Françaises et Britanniques, l’Empire Britannique reconnaissant ».

A l’arrière du monument se trouve un cimetière du Commonwealth où soldats français et britanniques sont inhumés côte à côte.

À BEAUMONT-HAMEL


Dans le parc-mémorial Terre-Neuvien, la statue du Caribou 

Ce parc-mémorial conserve intactes les tranchées où ont vécu et le terrain sur lequel sont morts les volontaires du 1st Newfoundland Regiment. Après l’assaut du 1er juillet 1916, on dénombra parmi les 801 soldats de ce régiment 255 tués, 91 disparus et 386 blessés.

Pour rappel en cette seule journée les pertes des troupes du Commonwealth se sont élevées à 60000 parmi lesquelles 20000 tués. Et l’offensive de la Somme, qui se prolongea jusqu’en novembre 1916, fut la bataille la plus sanglante de toutes les batailles de 14-18.

400.000 Britanniques tués ou blessés
200.000 Français et 400.000 Allemands.

De toutes les cérémonies auxquelles j’ai pu assister cette année, outre celle du Lochnagar, il y en a deux que je retiendrai particulièrement. Plus intimes mais à mes yeux les plus émouvantes.

La première s’est tenue dans le bois de Mametz propriété du Marquis de Thézy auquel nous devons que ce lieu sacré soit aujourd’hui encore préservé. Lieu sacré car de nombreux soldats reposent toujours dans ces bois.

Le monument des Gallois face au bois de Mametz

 

Harry Fellows, 12th Northumberland Fusiliers, était de ceux qui ont combattu ici. Il échappa à la mort mais le souvenir de ses compagnons tombés dans le bois de Mametz l’a accompagné sa vie durant. Son désir était qu’à sa mort ses cendres soient dispersées un peu partout dans les bois afin qu’il puisse reposer auprès de ceux-ci. Grâce au marquis de Thézy devenu son ami, son voeu fut exaucé le 13 mars 1988. Il avait 91 ans.

Devant la stèle érigée en sa mémoire, on procéda notamment à la lecture d’un de ses poèmes intitulé « Mametz Woods 1914-1984 » et dont voici un court extrait traduit de l’anglais :

1914

Des arbres dévastés et une terre torturée
L’odeur acre de pourrissement
Des corps déchiquetés qui gisent aux alentours.
La bataille non loin de là.
De cette dévastation dont il est responsable
L’homme n’a-t-il aucun regrets ?
Est-ce qu’il s’interrompt pour se poser la question :
Les oiseaux chanteront-ils encore à Mametz

1984

Quelle merveille et plaisante vue se déroule devant mes yeux
Une panoplie d’arbres magnifiques s’étirant vers les cieux.
Quelqu’un a-t-il aidé dame nature a effacer les péchés des hommes ?
Oui là autrefois était la guerre maintenant règne la paix suprême
Et les oiseaux chantent encore à Mametz

Après le recueillement et le dépôt des gerbes de coquelicots la petite cérémonie se termine par une traditionnelle rasade de whisky partagée entre les participants qui la boivent à l’intention de tous ceux qui reposent dans ce bois. Et parmi nous, des représentants de la police allemande.

A FRICOURT

La seconde a eut lieu au cimetière allemand de Fricourt. Elle fut courte et cependant chargée d’émotion en particulier pour moi car parmi les hommes qui reposent là se trouvent certains de ceux qui ont combattu le 403e R.I et sous les balles desquels est peut-être tombé Henri Autin, notre aïeul. Et parmi les soldats allemands il en est peut-être aussi qui sont tombés sous ses balles.

Mais dans ce cimetière chacun venait se recueillir ici en tant que fils et filles d’Europe et dans un même un sentiment de paix retrouvée et d’amitié.

La cérémonie était animée par la musique du Somme Battlefiel Pipe Band de Péronne, le préfet de région, le maire de Fricourt et les représentants allemands ont tour à tour déposé des fleurs au pied du monument à la mémoire des 11970 soldats inhumés dans les quatre ossuaires et parmi lesquels 6477 demeurent inconnus.

Le Baron Von Richtofen, abattu à Vaux-sur-Somme le 21 avril 1918, fut inhumé ici avant le transfert de sa dépouille à Berlin.

A noter enfin que l’Allemagne était représentée dans toutes les cérémonies de la journée.